[DÉCRYPTAGE] Hyperconnexion et majorité numérique : Les leçons à retenir
L’hyperconnexion n’affecte pas que les jeunes mauriciens. Ce phénomène s’est installé dans tous les coins du monde, sauf que certains pays, au moyen de recherches et d’études très avancées, ont choisi de prendre les taureaux par les cornes en adoptant de nouvelles réglementations pour encadrer l’utilisation des téléphones et d’internet chez les mineurs. Le but : la protection de l’enfance, un terme qu’on entend rarement depuis que les nouvelles technologies, l’internet et les réseaux sociaux ont envahi nos vies.
Une chose est sûre. Les États les plus avancées multiplient les initiatives pour protéger leur jeunesse. En 2024, la France a franchi une nouvelle étape en adoptant des réglementations ambitieuses pour protéger les mineurs. Ces mesures, portées par une volonté politique forte, offrent des pistes de réflexion intéressantes pour des pays comme Maurice, où les défis liés à l’éducation numérique et à la jeunesse sont tout aussi pressants.
Cyberharcèlement, addiction aux écrans, exposition des mineurs à des contenus inappropriés ou multiplication de comptes dans la sphère réseau social… Face à ce phénomène, où même les parents semblent impuissants, la France a renforcé son arsenal législatif en 2024 en vue de concilier, autant que faire se peut, innovation numérique et protection de l’enfance.
La majorité numérique fixée à 15 ans
C’est quoi la majorité numérique ? En anglais « digital majority », la majorité numérique est un concept visant à désigner l’âge à partir duquel une personne est légalement considérée comme capable de consentir à l’utilisation de services numériques, comme les réseaux sociaux, sans autorisation parentale. Adoptée en juillet 2023, la loi n° 2023-566 impose aux plateformes sociales d’obtenir une autorisation parentale pour inscrire des utilisateurs de moins de 15 ans. Cette mesure, saluée par les associations de parents, fait de la France un des rares pays européens à instituer une majorité numérique légale. Selon les médias, dont Le Monde (mars 2024), cette loi répond à « une réalité alarmante : un enfant sur deux âgé de moins de 13 ans est déjà actif sur des réseaux sociaux tels que TikTok ou Instagram. »
Une des premières mesures adoptées dans cette même mouvance est le contrôle des appareils connectés. Toujours en France, à savoir depuis juillet 2023, les fabricants sont tenus de proposer un contrôle parental activé par défaut dès la première utilisation. Cette obligation vise à démocratiser l’accès à ces outils, souvent méconnus des parents. Cinq ans auparavant, la France devenait l’un des premiers pays au monde à interdire le téléphone en milieu scolaire. Certes nombre d’établissements scolaires à Maurice ont opté pour la même politique, mais en matière de contrôle c’est une toute autre paire de manches. D’où l’idée des autorités éducatives dans l’Hexagone de mettre à titre expérimental ce qu’on appelle les « pauses numériques » dans des établissements pilotes, obligeant ainsi les élèves à déposer leurs téléphones dès leur arrivée à l’école. Selon une enquête publiée par Le Parisien en septembre 2024, ces initiatives ont permis de « réduire de 30 % les conflits entre élèves » et d’améliorer la concentration en classe !
D’autres leçons venues d’ailleurs
Comment les grandes puissances s’attaquent-elles au problème ? La France n’est certainement pas seule dans cette bataille. D’autres grandes nations prennent également des mesures pour protéger leurs jeunes de l’hyperconnexion. Aux États-Unis, certains États, comme la Californie, imposent aux plateformes de réseaux sociaux de réduire les notifications et les recommandations addictives pour les utilisateurs mineurs. En 2024, une législation fédérale en cours de discussion prévoit de renforcer le droit des parents à limiter l’accès de leurs enfants aux applications jugées nocives.
En Chine, la régulation est encore plus stricte. Depuis 2021, le gouvernement limite à trois heures par semaine le temps passé par les mineurs sur les jeux vidéo en ligne, et des algorithmes surveillent activement l’activité numérique des jeunes. En 2024, Pékin a renforcé cette approche en interdisant aux moins de 16 ans de streamer en direct, une pratique jugée dangereuse pour leur santé mentale.
Dans les pays nordiques, comme la Norvège et la Suède, l’approche repose davantage sur l’éducation que sur la restriction. Ces pays investissent massivement dans des programmes scolaires pour enseigner aux enfants une utilisation responsable des écrans dès le primaire.
Un enjeu sociétal majeur pour les parents
Ces réglementations interviennent dans un contexte où les parents se sentent souvent dépassés par l’omniprésence du numérique. Une étude publiée par Le Monde en mai 2024 révèle que « près de 80 % » des parents estiment que l’usage des écrans est une source régulière de conflit familial. « La majorité conflits avec mon fils de 12 ans trouvent leur origine dans le téléphone portable. Dès qu’on baisse la garde, il en abuse au point de perdre ses bonnes manières et le respect des valeurs de base comme le respect envers les parents quand on essaie de réduire le temps d’écran », témoigne un père de famille habitant Quatre-Bornes.
Le plus gros défi des parents, poursuit-t-il, est de savoir comment jongler entre le besoin de protéger l’enfant et celui de ne pas l’exclure d’un monde de plus en plus digitalisé. Comme le souligne le président Emmanuel Macron : « l’enjeu n’est pas d’interdire, mais de responsabiliser, en fournissant aux familles les outils pour accompagner leurs enfants dans un monde numérique. » Ce qui nous rappelle ce vieil adage de notre créole patois « ant dire k fer, enan enn bel diferans ». Helas, les réalités sont complexes. Les adolescents, souvent plus à l’aise avec les technologies, contournent facilement les restrictions grâce à des astuces ou des applications tierces.
S’inspirer, protéger et responsabiliser
Avec l’élection d’un nouveau gouvernement, Maurice pourrait s’inspirer des modèles internationaux pour conduire ou commanditer une étude sur cette problématique sociale. Les défis ne manquent pas : augmentation des cas de cyberharcèlement, mise en ligne des contenus inappropriés comme les agressions physiques entre étudiants, hausse de la délinquance, dépendance à l’écran, accès à des contenus inadaptés. Intégrer cette problématique dans un plan national serait, sans le moindre doute, une opportunité de protéger nos jeunes tout en modernisant les politiques éducatives et numériques. Certes le pays fait face à ses propres défis sociétaux. Mais tous les éléments portent à croire qu’il est plus que jamais temps de s’inspirer de ces modèles pour construire un avenir numérique équilibré. Car protéger les enfants du numérique, ce n’est pas seulement préserver leur innocence, c’est aussi leur donner les moyens de grandir dans un monde connecté sans en devenir les victimes
Étude : enfants et écrans
La commission d’experts chargée par Emmanuel Macron d’évaluer l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans constate « un consensus très net sur les effets négatifs des écrans » sur le sommeil et la sédentarité. Les experts recommandent de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans, d’attendre 11 ans pour un téléphone portable et 13 ans pour un smartphone avec accès à Internet.
RISQUES D’ANXIÉTÉ ET DE DÉPRESSION
En mai 2023, le Surgeon General des États-Unis a émis un avis indiquant que l’utilisation des réseaux sociaux peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale des jeunes, notamment en augmentant les risques d’anxiété et de dépression.
ADOPTION PRÉCOCE DES TECHNOLOGIES
D’après un rapport de l’Ofcom publié en avril 2023, près d’un quart des enfants âgés de 5 à 7 ans au Royaume-Uni possèdent un smartphone, soulignant une adoption précoce des technologies mobiles.