[30 HISTOIRES D'EXCEPTION] Raphaël Grenade : Parcours d’un esprit libre !
[CLASSÉ 8E AUX EXAMENS DU HSC] - Dans la demeure familiale de Plaisance, Rose-Hill, où nous le rencontrons, ce jeune homme au regard vif et au sourire naturel livre les secrets de son parcours exemplaire, et les ingrédients de son cheminement académique qui pourrait ressembler à un « kari melanz » quand on voit le nombre de matières qu'il a étudiées avant le HSC.
Figurant dans le Top 10 des récipiendaires de l'Alliance française de l'île Maurice depuis ces six dernières années, avec une première place en sixième et plusieurs prix d'honneur, il a touché à l’hindi jusqu'à la Form V, et aussi la chimie, la physique, la comptabilité, la littérature, l’add-maths... En effet, l'ancien élève du Collège Royal de Port-Louis a façonné son excellence dans un creuset peu conventionnel.
« Enn vre kari melanz », lance-t-il : « Mes parents (David et Joelle) m'avaient conseillé de le faire pour avoir une base en attendant que je fasse mon choix en HSC. »
Et devinez quoi ? Au-delà de ses choix évidents en français et en anglais, Raphaël opère un virage surprenant en optant pour la sociologie comme matière principale. Un pari audacieux qui s'avérera payant puisqu'il décrochera un A+ dans cette matière, tout comme en français. Un choix qui, à bien y penser, ne fait que confirmer ce que son entourage pressentait déjà : un esprit qui refuse résolument le cloisonnement intellectuel !
À vrai dire, la sociologie, sous la tutelle du prof Steven Armoogum, a été pour lui une véritable révélation. « La sociologie a transformé ma vision des choses », révèle-t-il. « C'est un sujet qui m’a marqué ! Il m’a permis de changer ma perception sur les gens, la société, de découvrir des concepts et de développer une autre façon de penser et de voir. Par exemple, à chaque fois en classe, le prof nous expliquait une question qui paraissait simple, mais en réalité, elle cachait une grande complexité qui nous forçait à réfléchir. »
Mais Raphaël n'est pas qu'un brillant intellectuel. Fan de football et de volley-ball, dévoreur de mangas qu'il considère comme « une philosophie de vie retranscrite en dessins », apprenti cuisinier à ses heures perdues, il sait quand et comment s’écarter des étiquettes. Quitte à déconstruire les clichés, à bousculer les conventions, et à plonger au cœur des débats lorsque l’enjeu mérite de croiser le fer. « Les mangas auraient pu facilement devenir des classiques de la littérature », affirme-t-il avec conviction.
Plus loin, sa réflexion sur le rapport entre l’égalité et l’équité, en ce qui concerne les subventions sociales ou encore le système éducatif mauricien, révèle une certaine maturité de pensée, notamment quand il évoque les contradictions dans l’attribution des bourses de la République, et s’attarde sur des réalités nuancées du système. « Au-delà de la question des lauréats qui ne retournent pas au pays, il y a aussi la question de savoir sur quoi repose la répartition des bourses par rapport aux filières. Par exemple, pourquoi le nombre de bourses pour la filière scientifique est-il plus élevé que pour la filière technique ? », s’interroge-t-il.

Les facilités technologiques, aussi pratiques soient-elles, ont tendance à freiner le critical thinking, l’effort, la motivation... Pourquoi chercher une solution par soi-même quand ChatGPT peut la fournir instantanément ? Pourquoi lire un journal quand TikTok offre l’information en quelques secondes ?
Face aux défis de l’ère numérique, Raphaël pose un regard lucide sur sa génération et les effets pervers des nouvelles technologies. « Je pense, ou je me trompe peut-être, que l’éducation intéresse de moins en moins les jeunes », observe-t-il. « Les facilités technologiques, aussi pratiques soient-elles, ont tendance à freiner le critical thinking, l’effort, la motivation... Pourquoi chercher une solution par soi-même quand ChatGPT peut la fournir instantanément ? Pourquoi lire un journal quand TikTok offre l’information en quelques secondes ? »
A-t-il un conseil à partager aux jeunes ? Pour l’ancien élève de Notre-Dame des Victoires en primaire, le véritable apprentissage « passe par l’effort et la capacité d’apprendre de ses erreurs ». « Les temps changent, les générations évoluent, et bien sûr, il faut s’adapter. Il faut apprendre à utiliser la technologie au lieu de la laisser nous consumer. Je pense qu’il y a un équilibre crucial à maintenir », philosophe-t-il.
Raphaël revient aussi sur le jour de la proclamation des résultats du HSC. La confirmation de son classement a résonné comme un coup de tonnerre dans tout son quartier. « J’avais ressenti une petite déception en ne voyant pas mon nom parmi les lauréats... Puis j’ai vu des messages me disant : ‘Rafa, to finn classé !’ J’ai alors poussé un cri énorme. »
Cependant, et au-delà de l’euphorie de la proclamation des résultats, Raphaël garde les pieds sur terre. « Je ne dirais pas que je suis fier, ni nonchalant non plus. Je suis simplement satisfait d’avoir récolté les fruits de mon travail », confie-t-il avec humilité.
Une réussite qu’il attribue aussi à un entourage bienveillant : ses parents, David et Joelle, sa sœur, ses enseignants — tous les architectes discrets de cette belle aventure — à l’image de ses cousins, cousines, oncles et tantes.
Quant à l’avenir, Raphaël l’envisage avec la même subtilité qui caractérise son parcours. S’il excelle dans les lettres, qui restent son « atout principal », son nouveau centre d’intérêt a shifté en faveur de la fintech, et son regard s’oriente désormais vers l’Université de Maurice. Comme pour poursuivre son parcours, celui d’un jeune alchimiste qui transforme chaque défi en opportunité, chacun de ses rêves en réalité : celui d’un jeune philosophe qui — à sa manière — poursuit sa quête de sens et de réponses, dont les contours semblent avoir déjà été dessinés par un certain Paulo Coelho.
